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Trop fort, ce destin!

Publié le par philomonique

 Volvo_144_S_1966_1968.jpg

Avril 1979
Bien que mon permis de conduire théorique soit en vigueur depuis 3 ans, je n’ai pas encore eu l’occasion de le mettre en pratique. Il faut dire que je suis plutôt  bonne marcheuse, la ville de Liège à pieds, ça me connaît, de long et en large, de haut en bas, de bas en haut, par les quais, et par les vieilles ruelles. Quant aux transports en commun, ils n'ont plus aucun secret pour moi.
Mais le besoin d’émancipation me démange intensément. Envie d’être libre, de voir plus souvent mes nouveaux amis qui habitent de plus en plus loin. De me déplacer surtout, et sans dépendre de quiconque.
Quelques semaines déjà que la Volvo 144 S rouge de mon père, encore bien conservée pour ses 13 ans mais inutilisée depuis des mois, me nargue de son parking du quartier où elle semble absolument végéter. Car bien que ne pouvant s’en séparer, mon paternel vient de faire l’acquisition d’une BMW 730 flambant neuve, bleue marine cette fois, plus discrète. (Toujours vivante aujourd’hui, elle est devenue pratiquement objet de collection !) La Volvo pendant ce temps, elle sert à… à… à vrai dire, je n'en sais fichtre rien. Elle se languit, c'est évident!
Alors je prends mon courage à deux mains et entame les pourparlers avec mon paternel pour qu’il m’accorde la grâce d’utiliser son tacot rubicond, qui ressemble plus à un char qu’à un véhicule adapté à mes besoins de jeune femme. Mais qu’importe, l’occasion est trop belle.
Pour convaincre mon géniteur, je lui fais remarquer que j’ai tout de même quelques heures de conduite à mon actif. Pendant les dernières semaines j’ai réquisitionné mon petit ami qui s’est prêté généreusement au jeu de me laisser diriger la voiture de sa mère. Celle-ci ne se doute aucunement, la pauvre, que j’ai souvent pris le volant pendant les 60 km d’autoroute aller-retour qui séparent nos domiciles alors que son fils bien aimé est supposé me chercher et me ramener en jeune homme bien élevé, qu’il est d’ailleurs. Je ne compte plus les innombrables manœuvres sur des routes désaffectées ni les freinages brusques ni les dépassements où le pauvre véhicule et mon camarade en ont vu des vertes et des pas mûres. Un martyr pour les deux, c’est sûr. Mais comment devenir experte autrement ?
Ah ça y est, extra, mon père est d’accord, j’aurai le monopole de la Volvo, mais, mais, mais ... auparavant, je vais devoir lui prouver que je peux vraiment la conduire. Alors c’est parti pour quelques heures de conduite avec, à la clé, pas mal d’engueulades.
Eh oui, je n’aime pas ses critiques ! Car il est pointilleux et exigeant, ne se gêne pas de faire des commentaires féroces sur mes entrées au parking où je prends trop serré, sur mes décélérations trop brusques où j’oublie de débrayer et changer de vitesse, sur mes virages un peu courts ou trop larges, sur mes démarrages en côte bien peu assurés encore…
Je n’ai pas de problème pour me garer par contre. Au moins ça! Ce serait tellement génial de l’entendre me dire: « Ma fille tu te débrouilles comme un chef » Hélas, on peut rêver…  A la place ? Une vraie bataille d’égos ! Il a le don de me faire perdre mes moyens et bien sûr moi je ne rêve que d’exceller pour mériter cette fichue voiture. Quel stress !
Mais miracle, cette formation explosive va être de courte durée, mon père se décide enfin à me faire confiance, lassé par les tensions. Je n’ai donc pas d'autre choix à présent que d'être à la hauteur !
 
Juillet 1979
Voilà un bon moment déjà que je vais et viens au rythme de mes visites et sorties. Je suis fière de moi, j’assume bien la conduite du « camion » (comme j'aime le surnommer car franchement mastoc). Je le respecte et le crains encore un peu. Mais je me sens enfin prête pour une plus grande excursion. Ca tombe bien, mes parents sont partis quelques jours au bord de mer, à 200 km de là. Occasion idéale, je vais aller les y rejoindre en fin de semaine pour une nuit. Un aller-retour bref. Chose prévue sera chose faite.
 
Samedi matin 
L’aller se déroule sans encombre. Je jubile et profite à fond de mon petit séjour balnéaire. 
 
Dimanche 21 heures 
Je reprends la route d'assaut au volant de ma berline rouge. Je me suis habituée à sa masse, je m’y sens bien, en sécurité, bien qu’encore sur mes gardes et extrêmement vigilante, la nuit tombant à présent.
 
Dimanche 23 heures 
Je rentre en ville de Liège. Les boulevards sont déserts, pas de problème de circulation. J’arrive à hauteur de ma rue. Plus que quelques mètres avant la maison. Je vais devoir virer légèrement à droite pour me garer le long du trottoir dont le chevauchement est bloqué par 3 poteaux bétonnés au sol, reliés par des chaînes métalliques.
Mais tout se corse. Encore bien à la joie de mon sans fautes sur 400km, mon attention se relâche … et crac,  je vire trop serré ! Crac ou scratch plutôt…, car j’enroule tout le côté droit de la Volvo dans le premier poteau ! La poisse. Et juste à l’arrivée en plus.
Comment est-ce possible ? Je m’arracherais bien les cheveux. Je dois certainement hurler. Je descends pour constater les dégâts. Quelle catastrophe… La voiture est bien endommagée, enfoncée dans le milieu droit, griffée d’avant en arrière. La honte!
Mon cerveau fonctionne en mode turbo. Mes parents rentrent dans 3 jours et je ne veux pas subir les foudres de mon père, ni courir le risque de me voir privée de véhicule (on ne sait jamais…). Il faut que je trouve une solution. 
 
Dimanche, 23 heures 10 
Je me précipite dans l’entrée, saisis mon téléphone et appelle mon meilleur ami. Je sais que l’heure est tardive mais il décroche et je lui explique mon problème : j’ai besoin de l’adresse d’un bon carrossier qui puisse me faire le boulot en 3 jours ! Il me rappellera demain. Bon, c’est clair, tout le monde dort la nuit. Pourvu que ça marche. Oui, ça va marcher ! 
 
Lundi, 09 heures 30 
Mon pote, adorable, me rappelle enfin. Je reçois un nom, un client de son frère avocat qui est prêt à lui/me rendre service en « ami ». Ouf, car ce n’est pas une mince affaire de trouver un garagiste prêt à faire le boulot dans un si bref délai. Mais il est vraiment sympa en plus. Je crois que le cocasse de la situation le fait bien marrer. Ou est-ce mon charme qui opère ? La voiture sera prête mercredi à midi. Mes parents rentrent mercredi soir. Ce sera parfait. 
 
Mercredi, 12 heures 
La voiture est prête, je paye comptant. Sous la manche. Pas de traces. Ni vu ni connu. Le carrossier m’explique encore, en insistant bien, que la peinture n’est pas encore tout à fait sèche et qu’il faut éviter tout frottement pendant au moins 48 heures. Qu’à cela ne tienne, l’engin sera garé à sa place et personne n’y touchera. En tous cas, sûrement pas moi. Tout est bien qui finit bien. 
 
Mercredi, 20 heures 30 
Retour des parents. J’affiche mon visage des bons jours. Un ange.
- « Tout s’est bien passé pendant notre absence ? »
- « Impeccable, rien à signaler ! » 
 
Jeudi, 13 heures 
Mon père arrive un peu contrarié pour le déjeuner. Nous l’interrogeons sur la raison de son irritation.  Enervé, il raconte que ce matin, il y a eu un petit imprévu, un colis urgent à charger, il a donc exceptionnellement choisi de conduire la Volvo, plutôt que la BMW garée trop loin. En la ramenant à son parking, il a viré trop serré et a éraflé tout le côté droit de la bagnole contre la colonne en béton !!!!
 

Trop fort ce destin!

 

Inéluctable philomonique - copyrighted mars 2010

 
 

 

Publié dans Souvenirs personnels

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Objectif

Publié le par philomonique

Cowboy Dreaming Photography by Regina Coeli deWinter


 
je t'ai à l'oeil
 et aussi dans la peau
que tu me fais la nuit
en cadeau
 
je capte tes maints visages
tes grains d'exquise texture
en pose sensible au temps
par réfraction
 
je zoome ton âme
filtre tes clairs obscurs
 à contre plongée
en apnée profonde
comme noyée
 
tout reste suggestif
à l'objectif
 
 
 
Inéluctable philomonique - copyrighted mars 2010


 

 

 

Publié dans Au fil des jours

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