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Nuit blanche

Publié le par philomonique

 

 

Il est de ces nuits d’hiver qui n’ont d’autre raison  que de s’éterniser. Dehors tout est blanc, comme ma nuit. Je me tourne et me retourne sous la couette, trop chaude, trop lourde, pas d’air. La porte du balcon s’est refermée toute seule, il faudra glisser une pantoufle pour l’en empêcher la prochaine fois.

Mille et une pensées m’agitent. Mille et deux, trois, quatre. Bon. Il faut faire diversion. Me lever ? Je retarde l’instant. Je regarde l’heure qui s’inscrit en projection fluo sur le plafond. Bien pratique dans le noir.  Trois heures 18 min et 51 sec. Tiens encore -1 degrés Celsius. Pfff. Ca ne s’arrange pas dehors!

M’occuper l’esprit. Me voici donc à pister d’éventuels intrus : un plancher qui craque, un frigo qui vibre, une clef qui tourne dans une porte, une clenche qui descend et remonte d’un coup sec, une porte qui grince. Je me dresse sur mon séant le cœur battant à tout rompre. Quoi ? Qui est là ??

Non, fausse alerte! Ouf, ce n’est pas ici. C’est le voisin policier qui rentre chez lui après quelques descentes dans les clubs de la ville basse et quelques arrestations corsées, sans doute. Grâce à lui, à leur chien aboyeur, et peut-être aussi à notre autocollant « Securitas » collé bien en évidence à l’entrée, les cambrioleurs se tiennent à carreau depuis que nous habitons là. Une chance.

Je me recouche en soupirant. Outre quelques crissements de pneus sur la neige, l’un ou l’autre moteur qui accélère au rythme des longues manœuvres de parking effectuées sur un sol toujours gelé malgré le sel répandu, on pourrait dire que c’est une nuit calme.

Ils sont quand même peu doués dans leurs mouvements ces sorteurs revenus de leur repas de Noël trop arrosé. Ils en rajoutent dans leur maladresse. Tiens, voilà même le dernier bus de nuit, qui traverse bruyamment le village dans un roulement de moteur bien caractéristique. Ah mais non, je me trompe, c’est jeudi aujourd’hui. Enfin c’était. Donc pas de bus si tôt, ce doit être un camion égaré dans notre patelin alors. En tous cas ce n’était pas un moteur d’avion, ils font toujours une pause, la nuit. Les gros porteurs n'amorceront leur descente qu'à six heures trois minutes. Pendant une bonne demi-heure, au moins. Quasiment au dessus de nos têtes. Mais je ne les entendrai plus, car là bien sûr, je dormirai profondément! Normal, c’est l’heure où je devrai me lever. Mauvais timing ! 

Dans le silence de la maison, quelques minutes agonisent, une pointe de gourmandise se forge un chemin vers mon estomac, bien réveillé lui aussi. Gourmande, moi ? Oui ! Me relever alors ? Et sans faire de bruit, descendre sur la pointe des pieds, ouvrir le frigo, me beurrer une énorme tartine, la couvrir d’une énorme couche de  chocolat, m’en mettre plein les doigts et la bouche, et me passer la langue sur les babines pour ne pas en perdre une miette, le tout arrosé par un grand verre de lait plein à ras bord ? Oui, oui, ca vaut bien le coup !

Surtout ne pas réveiller mon compagnon qui dort d’un sommeil  bien mérité, un peu trop ronfleur quand même. Zut, il a bougé, s’est tourné sur le côté, sa respiration s’est accélérée après une grande inspiration, puis déjà ralentie. Tout est calme, le champ est libre. J’y suis. Tartine avalée, doigts maculés, moustache de lait, me voilà parfaite apparition pour une pub de savon décalée où  les mamans joueraient à faire les grands enfants…qu’elles sont restées, cela va de soi !

La télécommande de la télé traîne sur le meuble. Clic, j’appuie. Je zappe. Circulez les JT récurrents, les résultats sportifs dont je me tape, les feuilletons rétamés, les reportages au catastrophisme éclairé, les clips de nus aguicheurs et répétitifs pour mâles peu exigeants mais réactifs. C’est tout de même incroyable qu’il n’y en ait que pour vous Messieurs et pas pour nous. Que croient-ils ces directeurs de chaîne ? Que seuls les hommes sont de coquins insomniaques émoustillés par des images suggestives? A quand les apprentis Chippendales tous nus en boucle ?

Bon, ce ne sera pas pour cette nuit. Je m’en fais une raison, j’éteins l’appareil. Et si j’écrivais tout cela pour me vider la tête ? Bonne idée. Me voilà donc à l’ordi, remplissant la page blanche d’un rythme effréné. Ca paie bien. Mes yeux deviennent lourds, je ne sais même plus comment mettre fin à ce charabia. J’y appose quand même le point final.

Là-haut, ma couche me tend les bras, je ne vais pas résister cette fois !

 

 

Inéluctable          philomonique - copyrighted décembre 2008

 

Publié dans Scènes de vie

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Chef d'orchestre

Publié le par philomonique



 

Un jour,
 
J’ai arrêté de t’attendre
A notre jardin secret.
 
J’ai appuyé mon corps sur le mur d’amour
Que nous escaladions souvent en douce.
 
J’ai senti contre moi la froideur des pierres
Que je ne t’ai pas jetées.
J’aurais dû.
 
Mon cœur s’est recroquevillé
Sur la tombe de nos futurs rêvés.
 
J’y ai posé mes fleurs noyées
De trop de larmes versées.
 
J’ai vomi la terre brûlée
Qui m’avait fait tienne à même le sol.
 
Je suis repartie en trébuchant
Sur mes souvenirs embourbés.
 
J’ai pris la route du long et du large
Sans plus trop démesurer mes élans.
 
Et me suis dirigée de main de maître
Sur une nouvelle partition.
J'ai pu.
 
 
Inéluctable          philomonique - copyrighted décembre 2008
 
 

 

Publié dans Scènes de vie

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Alice au pays des fourchettes

Publié le par philomonique

 

Fourchette2.jpg

Photo: Famke Backx
 

Tout le monde est venu. Personne n'aurait osé ne pas en être, du fameux repas de Noël de la boîte. D'abord, le cocktail, cela va de soi, dans une belle salle de restaurant réservée à cet effet. Les hommes ont mis la veste qu'ils tomberont plus tard,  les femmes ont sorti leur fameuse petite robe noire moulante du placard pour attirer les regards qui les déshabilleront bien assez tôt. 

Alice a avalé sans hésiter la coupe de champagne que le serveur lui présentait. Elle n'est pas très buveuse, mais autant  se donner une contenance que le contenu du verre va renforcer. Elle a d'ailleurs très envie de pétiller ce soir, de faire des bulles, de nacrer les perles des uns et des autres qu'elle enfilera pour s'en faire des colliers de souvenirs. Instinctivement, elle a porté sa main à son cou et ses doigts ont caressé distraitement le petit lapin de Playboy en or dont l'œil en brillant réfléchit les feux cachés de chacun. Son pendentif s'est enfoncé dangereusement dans l'échancrure de son chemisier de soie noire, frôlant sa peau satinée, elle a soupiré. N'a-t-elle pas troqué ce soir, son informe uniforme pantalon beige contre une jupe droite moulante, à carreaux rouges, noirs et blancs  pour faire honneur à l'entreprise ?

Ce soir, elle sera Femme et non collaboratrice. Sa jupe, franchement fendue sur le coté, dégage avec audace à peine dissimulée le galbe d'une de ses cuisses. Personne ne se douterait au premier regard que ses bas noirs transparents ne dépassent pas la mi-cuisse. Seule une main posée par inadvertance sur le bas de son dos pourrait déceler l'absence de tout autre tissu sous son jupon coloré. Elle a souri, ses yeux se sont éclairés de l'intérieur, ses lèvres se sont entrouvertes, laissant planer un petit je ne sais quoi de douce moquerie espiègle.

Il est arrivé enfin, son supérieur hiérarchique. Après toutes les salutations d'usage, les formules de politesse, les mains serrées d'une bonne poigne, les accolades, il s'est enfin approché d'elle, le regard appréciatif, s'écartant avec bonhommie pour la détailler des pieds à la tête. Sa question est  venue par surprise mais elle n'en a pas été étonnée...«  Dites moi, Alice, il y a longtemps que je désirais vous le demander ! Pourquoi ce lapin pendu à votre cou ? » La réponse n'a pas tardé à fuser : «  Pour que vous me posiez la question ! »  a-t- elle répondu, en riant, l'effrontée !

Ce n'est pas la première fois que son sens de la répartie fuse en sa présence, même à ses dépens... Une fois, lorsque sa période d'essai allait prendre fin, un matin où elle aurait aimé avoir davantage de boulot,  elle s'est rendue dans son bureau, et l'a interpellé de but en blanc : «  Dites moi, Jean-Louis, n'auriez-vous pas quelques dossiers à me passer pour vous décharger, vous comprenez j'aimerais vraiment vous soulager ! » Et il est parti d'un énorme éclat de rires qui l'a laissée complètement interdite. Il a osé se moquer, ce goujat, de sa bonne volonté ! Elle n'a pas immédiatement compris le double sens de ses propres mots mais il ne lui a pas fallu longtemps pour réaliser son lapsus et elle a dû se retenir de ne pas lui rétorquer: « Mais où donc avais-je la tête !! ». Sa langue a  fourché, soit ! Au moins les journées se font plus légères ainsi. Elle sera toujours habitée par l'envie de s'amuser des situations cocasses même dans les moments les plus sérieux. C'est ainsi. Et pas autrement !

Alice est un peu troublée par le magnétisme que dégage son employeur, mais elle n'en laisse rien paraître, jamais. En elle, le tumulte et le feu couvent. Gare à l'explosion torride!

Les tables ont été superbement dressées. Les assiettes aux enseignes du fameux établissement et les coupes de cristal sont disposées comme il se doit,  les couverts en argent sont magnifiquement alignés sur les serviettes. Rien ne manque. Ce sera un repas de rêve. Jean Louis lui a pris la main et l'a dirigée vers sa chaise toute proche de lui. Il l'a décidé ainsi, elle sera à ses côtés ce soir. A sa gauche. A sa droite il a installé son associée, une belle grande rousse, très à son avantage ce soir, elle aussi ! En face d'eux, les 2 juristes indépendants de la boîte, déjà plongés dans des discussions sur les derniers procès en cours.

Enfin, tout le monde s'est assis. Quelques coups légers sur un verre de cristal pour attirer l'attention et le silence s'est fait. Le discours de remerciements, d'encouragements de Jean Louis n'aura pas duré trop longtemps. Le repas délicieux est enfin servi à la lueur des bougies, le vin versé abondamment dans les verres, les langues se délient, les corps se détendent, des cravates se dénouent, des vestes s'accrochent au dossier des chaises, quelques femmes ont les joues en feu et les yeux brillants de se sentir belles et désirables.
 
Alice, plutôt bonne fourchette, n'a pas prêté attention aux derniers mots qui se sont perdus dans le brouhaha général. Elle va gracieusement porter une dernière bouchée de pâtes  à ses lèvres quand soudain elle se fige, le manche de la fourchette à la main. Bouche bée l'espace d'une seconde, elle a senti sur sa jambe la paume gauche toute chaude de Jean-Louis qui remontait doucement vers le haut de ses cuisses, là où le bas termine sa course, arrêté par une dentelle accrocheuse. Elle a frémi, ses narines ont palpité, son souffle s'est accéléré. «  Il n'y va  pas par le dos de la cuillère, tout de même, cet homme ! » Elle le savait entrepreneur. Elle le reconnait entreprenant également. Du genre « découvreur » de talents et aussi de bouts de peaux cachés.

Elle a frissonné et  ses seins se sont tendus sous la soie. Un des juristes a retenu son regard avant de baisser les yeux sur le tissu de son chemisier. Elle a rougi, elle en est sûre. Complètement démontée, soucieuse de garder un semblant de contrôle, elle a hésité rapidement  entre en faire tout un plat ou crier au scandale. Elle a finalement opté pour la diversion et a laissé tomber sa serviette par terre. Elle s'est glissée agilement sous la table, pour l'y récupérer ainsi que son souffle et son honneur presque perdus. Un bref instant, ses yeux dans la pénombre ont balayé les dessous de table.

Pas de Bakshish ici, mais des pieds bien chaussés ou déchaussés pour respirer, des jambes pantalonnées ou dénudées, Comme celles blanches et laiteuses de la charmante associée rousse qui n'a sans doute pas supporté la sensation des bas sous sa robe et a profité d'une absence au petit coin pour les ôter au passage. En contrebas des nappes,  il s'en passe de drôles de choses, c'est un monde en soi, plus trop en soie justement. 

Alice a les yeux qui se sont écarquillés.  Sous la robe de la rouquine, une main. Pas la sienne, non. Celle de Jean-Louis,  son autre paume, plus adroite, la fouineuse et voyageuse, la chercheuse et trouveuse, la ciblée et agile. Et deux jambes de rousse qui se sont refermées sur elle, puis se sont écartées en rythme. Alice a respiré avec difficulté. Savait il qu'elle voyait ce qu'il faisait ? Des images ont défilé devant ses yeux, Sa fantaisie s'est vue décuplée par le vin et par le désir qui remplissait le creux de ses reins. Elle a imaginé les grandes moissons qu'il entreprendrait avec la fourche et son manche, pas les moissons du ciel, non, plutôt celles de l'enfer tel qu'elle le ressentait ce soir au fond d'elle-même.  Elle a rêvé la grange où il s'engouffrerait, elle a respiré les foins où ils se rouleraient, entendu les vieilles motos pétaradantes qu'ils enfourcheraient à nu ensemble, admiré les chevaux sans selle qu'ils monteraient, galopant à n'en plus finir jusqu'à ce que l'écume jaillisse de leurs naseaux ...

Puis soudain, sa colère a grondé, plus forte que son désir à présent. Elle s'est relevée d'un bond, et sans même réfléchir a empoigné sa fourchette, tristement abandonnée dans l'assiette. Elle a poussé un cri de guerre qui a stoppé net Jean Louis dans son mouvement caressant. Tous les autres aussi ont sursauté. Alice a alors planté d'un coup sec les quatre dents aiguisées de son ustensile sur le dos de sa main gauche en criant « salaud ! ».  Et il a hurlé comme un fou. Tout le monde a hurlé. Puis un grand silence. Une atmosphère à couper au couteau !

Alice s'est alors éclipsée. Elle est repassée de l'autre côté du miroir, son lapin autour du cou.

Il était grand temps de retourner au pays des merveilles!

 

Inéluctable          philomonique - copyrighted décembre 2008

 

 

Publié dans Fictions et dérision

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Fin?

Publié le par philomonique

 

 

 

 

Tu es parti

Avare en mots de la fin, thésaurisateur d’émotions à l'avenir compromis

Tu as choisi de non-revenir pour devenir autrement ce que tu crois être

 

Tu es parti

Sans laisser d’adresse

Maladresse inconvenante mais convenue par la force des choses

Pour vivre ailleurs une vie réglée d’avance, sans même attendre ton reste

 

Tu es parti

Me laissant consumée et non consommée sur le divan

Disparu loin des volutes de fumée écran, que nous projetions en privé

Elles ne nous protégeront plus guère de nos feux follets éteints, hélas.

 

Tu es parti

Je ne disperserai pas les cendres du bois dont nous nous chauffions

Tout ne sera plus que poussière d’étoiles disparues de mes yeux

Seul un reflet de toi, parfois dans le grand miroir déformant du salon

Me rendra vie, avant de m’achever à petit feu

 

Tu es parti

Il me reste encore nos verres vides de sens
Un absurde néant qui remplit tout l’espace à présent

Ta cigarette s’est tordue dans un dernier soupir d’aise

Ecrasée par le poids de ma douleur

 

Tu es parti

Mais je reviendrai à moi-même

Par la grande porte !

 

 

 Inéluctable          philomonique - copyrighted décembre 2008

 

Publié dans Scènes de vie

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Tentant?

Publié le par philomonique

 

 


Sens ses paroles courir en flots légers sur ton corps frissonnant

Sens ses lèvres t'effleurer de leur gracieux mouvement

Sens la s'accrocher, s'agripper encore une fois, désespérément

Sens la, elle pénètre en toi, sans un cri, timidement

La passionnante tentation
 
 
 
 
Inéluctable         philomonique - copyrighted décembre 2008
 

 

Publié dans Au fil des jours

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